Depuis les années 1970, les entreprises attendent de la fonction RH qu’elle apporte une contribution effective et mesurable au business. Se développent ainsi de nouveaux rôles pour la fonction RH et de nouveaux modèles d’organisation pour répondre à ces enjeux. Cet article retrace les origines du modèle de HR Business Partner (HRBP) – en examinant les rôles et modèles organisationnels associés, jusqu’aux limites de sa mise en œuvre.

 

L’orientation de la fonction RH vers le rôle de HR Business Partner illustre parfaitement les grandes évolutions que connaît la fonction RH depuis plusieurs années. Traditionnellement considérée comme une fonction qui « coûte » plus qu’elle ne « rapporte », une approche en termes de business de la fonction RH contribue à replacer celle-ci au cœur de la stratégie de l’entreprise et à en faire un acteur majeur de son efficacité dont l’objectif est la création de valeur ajoutée.

La dimension « Business Partner » fait aujourd’hui partie intégrante des rôles attendus de la fonction RH et a très certainement trouvé son succès dans la promesse d’une organisation efficace de la fonction RH et une alliance entre les RH et le management opérationnel. En tant que Business Partner, une Direction des Ressources Humaines doit participer au développement des organisations et à la conduite du changement, et décliner la stratégie RH en tenant compte des objectifs économiques de l’entreprise, de sa structure organisationnelle et de son capital humain. Travaillant en étroite collaboration avec la Direction Générale et les managers opérationnels, elle les aide à s’approprier les processus et politiques RH et cherche comment répondre au mieux aux enjeux et priorités du business.

 

Des origines du modèle du HRBP à sa concrétisation

La nécessité de rapprocher la fonction RH des enjeux du business est à l’origine de l’idée de Dave Ulrich[1] de proposer une description et une analyse des rôles que doivent assurer les professionnels RH afin de participer pleinement au développement et à la performance économique de leur entreprise. Il propose ainsi dès 1996 une modélisation des quatre rôles que doivent assurer les professionnels RH pour devenir des acteurs clefs du business :

L’enjeu – ou la difficulté – pour le professionnel RH dit « Business Partner » est de définir un ajustement optimal entre ces différents rôles (agent stratégique, moteur du changement, expert des procédures RH, manager des employés), notamment dans l’objectif de rationaliser l’organisation de leur fonction, de satisfaire aux objectifs de performance plus globaux de l’entreprise et de créer de la valeur ajoutée.

La mise en application des principes d’Ulrich a également conduit au développement d’un modèle d’organisation qui intègre la dimension de HRBP. La position et les interactions que ce type de professionnel RH « Business Partner » noue avec les autres acteurs de la fonction RH dans ce type d’organisation peut se schématiser de la façon suivante :

La particularité du HR Business Partner est d’interagir de manière privilégiée avec le management opérationnel et les centres d’expertise, plus qu’avec les salariés, ce qui leur permet d’être au plus près à la fois des réalités business et des solutions RH développées par l’entreprise.

 

Un modèle qui suscite toutefois encore de nombreuses questions

Beaucoup contestent néanmoins ce modèle organisationnel, pour l’avoir pratiqué sans succès. En voici les principales limites, remontées à la fois par des chercheurs (Dejoux, Thévenet, 2015)[2] et des opérationnels de la fonction RH :

  • La difficile appropriation du rôle de HRBP par les professionnels RH. A l’origine, les professionnels des RH, le plus souvent juristes ou spécialistes des sciences sociales, n’ont pas forcément toute « l’intelligence business » requise pour être de véritables partenaires du business. Par ailleurs, il peut leur paraître difficile de passer de référent de proximité pour l’ensemble des salariés au périmètre plus restreint des seuls managers opérationnels. Cela génère ainsi une sensation d’appauvrissement de leur fonction.
  • La compréhension du rôle des HRBP par les collaborateurs et les managers eux-mêmes. Du fait de cette perte de proximité avec leur RRH et la réorientation de leurs demandes vers des centres de services partagés, les collaborateurs ont parfois une vision négative des HRBP dont ils ne comprennent pas le rôle. Quant aux managers opérationnels, devenant ainsi les premiers interlocuteurs RH de leurs collaborateurs, ils vivent parfois difficilement les slogans de type « tous RH », impliquant pour eux d’effectuer des tâches auparavant réalisées par la fonction RH.
    Dans ces contextes, les HRBP peinent à affirmer leur légitimité, notamment lorsque les processus et outils sont défaillants.
  • La difficulté de mesurer et quantifier la contribution des RH au business
    Il n’est en effet pas toujours aisé de définir et construire les indicateurs idoines permettant d’objectiver les valeurs créées, pour ce qui relève de l’appréhension d’une efficacité purement humaine.

Ainsi, des tensions peuvent exister entre les RH et le business. D’une part, la temporalité entre les RH (personnes) et le business (lois des marchés) n’est pas la même, d’autre part les préoccupations RH (intérêts du salarié) et business (réduction des coûts) ne concordent pas forcément.

 

De plus en plus d’entreprises ont adopté le modèle du HRBP, dans une logique qui tend à concilier toujours plus approches humaines et économiques. Au delà de sa dimension conceptuelle, la notion de HR Business Partner se concrétise aujourd’hui au sein même de la fonction RH, dans son organisation, ses processus, les technologies et outils associés, et jusque dans la définition de profils métiers RH spécifiques.

Néanmoins pour que la fonction de HRBP puisse jouer pleinement son rôle de partenaire stratégique au sein de l’entreprise, il est nécessaire d’adopter une approche globale de l’impact de la notion d’HR Business Partner tant sur l’organisation de la fonction RH, que sur les équilibres internes et externes de l’entreprise, et de l’accompagner d’un effort particulier de conduite du changement.

 

Cécile D. & Bénédicte F.

 

[1] Dave Ulrich (1953), est le cofondateur de RBL, un cabinet américain de conseil en gestion des ressources humaines et en leadership et l’auteur de plusieurs livres sur les RH dont l’un des plus connus est « Human Resource Champions » publié en 1996.

[2] Dejoux, C., Thévenet, M. La gestion des talents, Dunod, 2015