Pour les porteurs ou tout simplement amateurs de projets innovants dans l’énergie, l’édition des Prix EDF Pulse 20171 était ouverte pour candidatures jusqu’au 8 mars sous quatre catégories : Smart Home, Smart Business, Smart Health ou Smart City. Déjà à sa quatrième édition, le géant de l’électricité a même créé un fonds dédié. Et il n’est pas le seul. Les grands groupes de l’énergie tels qu’ENGIE et Total se sont également lancés dans l’aventure de l’innovation.

Mais sous les nombreuses campagnes de communication « d’jeuns » et « hype », comment l’innovation se traduit-elle concrètement ? En quoi les initiatives et actions sont-elles différentiantes par rapport aux activités des centres de Recherches et Développement (R&D) « historiques » ? Et surtout, quelles sont les implications derrière ces stratégies dites « innovantes » ?

L’innovation est une étape inévitable pour les énergéticiens afin de faire face à la profonde mutation du marché

Il y a peu d’années encore, les acteurs majeurs de l’énergie avaient une image de géant vieillot et peu flexible. Le premier avantage visible de l’innovation réside en son pouvoir « rajeunissant » mais cette définition serait trop restrictive pour cette notion complexe.

Selon l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE)2, « l’innovation va bien au-delà de la recherche-développement » et on peut distinguer les quatre types d’innovations illustrées ci-dessous :

Ainsi, l’innovation peut aider les énergéticiens à répondre à tout ou partie aux défis liés à :
  1. La transition énergétique pour produire de l’énergie « verte » et répondre à la raréfaction des ressources malgré la demande croissante estimée à plus de 70% d’ici à 20403
  2. L’ouverture du marché de l’énergie avec la fin des tarifs réglementés en France qui induit une concurrence accrue
  3. La révolution numérique avec une explosion des nouvelles technologies (outils digitaux, objets connectés dits IoT…) venant bousculer les modalités d’interactions client / fournisseur, notamment avec le concept de désintermédiation

Prenons l’exemple de Sowee : la filiale d’EDF propose une solution de pilotage du système de chauffage. Elle est bien en ligne avec la loi de transition énergétique pour une croissance verte (LTECV) sur l’efficacité énergétique et intègre dans son produit l’IoT. Il s’agit donc d’une innovation de produit puisque l’offre traditionnelle de la direction Commerce d’EDF est la fourniture d’électricité. Celle-ci pourrait impliquer une innovation dans l’organisation et la commercialisation.

Si les précurseurs dans l’énergie misent sur des « stratégies d’innovation »…

Si la majorité de ces grands énergéticiens possèdent une force de frappe importante en termes de financement dans la recherche et le développement d’innovations, ils sont contraints d’ouvrir leur champ des possibles. Cela se traduit souvent par un bousculement et/ou une ouverture de leur organisation.

Les énergéticiens historiques peuvent certes travailler à l’amélioration de l’outil de production au travers d’une innovation continue mais, concernant les innovations de rupture, la plupart émergent en dehors des grands groupes. Ceux-ci sont donc obligés de sonder l’environnement (concurrents, partenaires…) pour identifier ce qui se fait de mieux sur le marché.

Ces acteurs font donc preuve d’initiatives multiples, notamment dans les trois familles suivantes :

… et de premières initiatives pour se réinventer…

Parmi les succès de ces démarches, citons :

  • Financement de start-up
    • Prix de concours :
      GreenPriz, entreprise spécialisée dans le pilotage de consommation d’électricité, a remporté le Prix de l’Innovation à l’occasion de l’Innovation Week de Marseille organisée par ENGIE
    • Financement par fonds d’investissement :
      Qualisteo propose un boitier permettant de lire les courbes de charge électrique d’une habitation ou d’une entreprise afin d’en diagnostiquer la consommation et les usages. Elle est lauréate du concours Energie Intelligente d’EDF et a été financée par son fonds Electranova
    • Organisation de financement participatif (crowdfunding ou consortium) :
      GreenLoc, fournisseur d’équipements solaires, permet à des particuliers de payer leur facture d’électricité en louant leur toit pour y installer des micro-centrales photovoltaïques, 500 k€ ont été levés grâce à GreenChannels financé par ENGIE
  • Innovation interne
    NextFlex est un exemple emblématique de l’intrapreneuriat. Jeune start-up incubée par ENGIE, elle a été créée par un collaborateur interne du groupe. Elle propose une nouvelle technologie pour rendre la consommation d’électricité des sites industriels ou tertiaires plus « flexible ». Sortie de l’incubation depuis début 2016, l’entreprise est toujours accompagnée par ENGIE Fab pour l’aider dans son développement en France et à l’étranger

… il reste difficile d’évaluer les résultats
Outre une organisation plus ouverte sur leur environnement et plus moderne en empruntant des méthodes itératives et agiles, les énergéticiens repensent également leur fonction traditionnelle de R&D. Il s’avère toutefois nécessaire d’éviter les trois « écueils » suivants pour que l’innovation porte ses fruits :

  1. La démultiplication des projets (sous prétexte que les PoC coûtent moins cher) ne favorise pas un pilotage global qui nécessite une vision d’ensemble claire pour identifier les adhérences avec la stratégie d’entreprise et prendre les bonnes décisions
  2. Le bilan économique qui peut être assez lourd avec un faible taux de transformation ou une certaine longueur des projets ou start-up à passer en mode industriel
  3. Les innovations de produit et procédé se font généralement sans adaptation des processus et de l’organisation, limitant de fait leurs valeurs pour l’entreprise

Si certains pessimistes pourraient dire qu’il ne suffit pas de suivre la « mode » pour faire de l’innovation, il ne faut pas s’arrêter uniquement aux bilans économiques et s’intéresser plus largement aux retombées d’actions indirectes qui donnent du sens ou amplifient la saillance et la spécificité de l’entreprise. L’innovation développe un sentiment d’appartenance, favorise une relation émotionnelle pour fidéliser le client… Les démarches d’innovation via les start-up, contribuent également à sponsoriser l’entrepreneuriat que la France promeut, stimulant ainsi la jeunesse créative.

La notion de management de l’innovation suppose la maîtrise des nouveaux produits et approches. Pour éviter de se faire dépasser par l’innovation, comme recommandé dans le Manuel d’Oslo2, il convient d’ « améliorer la mesure de l’innovation ». Autrement dit, il faut adopter une approche méthodique en prenant en compte tous les facteurs d’influence pour déterminer notamment le retour sur investissement, voire les marges de rentabilité…

Notes et références :

  1. Prix EDF Pulse Edition 2017 – EDF
  2. Manuel d’Oslo : Principes directeurs pour le recueil et l’interprétation des données sur l’innovation – OCDE
  3. Key World Energy Statistics 2015, AIE