La maintenance des actifs est une activité clé des entreprises du secteur des services et de l’industrie. Elle est au cœur de la chaine de valeur et concentre ainsi les difficultés propres à son activité et les contraintes imposées par les autres activités amont (achats et approvisionnement, planification, conception…), avales (vente, gestion des stocks…) et transverses (comptabilité, SI, RH). Si l’essor des nouvelles technologies est une opportunité pour basculer vers la maintenance prédictive, l’acquisition de données en temps réel est-elle un prérequis ? Quelles sont les principaux chantiers à mener ? Et comment maximiser le potentiel de valeur contenu dans les données ?

 

L’évolution de la maintenance s’accélère pour répondre aux enjeux stratégiques en termes d’excellence opérationnelle et de satisfaction client…

La transformation numérique qui s’opère actuellement fait émerger de nouvelles opportunités. Les organisations élargissent les pistes d’amélioration et d’optimisation de la gestion de leurs activités. L’un des principaux vecteurs de cette transformation est l’utilisation massive de données (existantes ou nouvelles) :

  • Partage, densification et diversification des données intra et inter organisations
  • Industrialisation et automatisation de l’exploitation des données (création/collecte, croisement et analyse, restitution…) grâce aux objets connectés (IoT) et aux plateformes logicielles mettant en œuvre les techniques d’apprentissage (Machine/Deep Learning)…

La maintenance doit s’adapter à la mutation de l’industrie et à l’évolution des technologies (objets connectés, analyse de données, outils de supervision, mobilité…) pour contribuer non seulement à l’amélioration de l’efficacité de la production et également aux autres entités exploitant des actifs : serveurs pour les DSI, flottes de véhicules, des magasins, stocks entrepôts pour les directions Logistique ou encore outils bureautiques, cuisines… pour les activités gérés/délégués par les services généraux ou les directions Achats.

Ainsi, la maintenance prédictive a pour objectif de détecter et d’éviter les défaillances avant qu’elles ne se produisent ou du moins qu’elles ne perturbent l’activité. Sont ciblés stratégiquement les matériels les plus critiques vis-à-vis de l’activité ou de la sécurité. On parle de « smart maintenance » ou maintenance intelligente lorsque la démarche de maintenance prédictive est automatisée par le biais d’un système de collecte et d’analyse des données :

  • Installation sur les matériels de capteurs (thermiques, vibratoires, électriques…) connectés et reliés à un centre de collecte et d’analyse de données afin de les surveiller en continu
  • Collecte et analyse en temps réel de l’ensemble des données produites par les capteurs ainsi que des données externes (météo, sismologie…)
  • Modélisation du fonctionnement nominal des outils de production à partir de l’analyse d’un historique suffisant de données multiples et croisées (internes et externes)
  • Détection de tout écart signifiant et non expliqué par rapport au modèle défini qui pourra être considéré comme une future défaillance probable à éviter en planifiant une opération de maintenance prédictive
  • Mise à jour et enrichissement du modèle d’apprentissage

L’émergence des objets connectés complexifie la chaine de valeur

Analyse SpinPart 

… impliquant une transformation des métiers de l’exploitation et de la maintenance ainsi que de l’ensemble du modèle d’activités de l’entreprise

Cette transformation est rendue possible par le développement des objets connectés (mesure et collecte de données) et leur exploitation via l’analyse de données massives et des plateformes associées.

Au-delà de l’équipement et de la supervision des actifs, de véritables questions stratégiques se posent autour la gestion des incidents, des réparations et des opérations et de la maintenance… pour :

  • Maitriser les coûts des installations et connaître l’impact financier de leurs décisions
  • Gérer les interventions, leur planning et leur coût
  • Optimiser les ressources humaines et techniques (outillages…)
  • Optimiser les stocks de pièces de rechange
  • Connaître en détail les installations techniques et tenir à jour la documentation
  • Formaliser et capitaliser les retours d’expériences notamment en ce qui concerne les pannes, leurs causes et leurs solutions

Si les gains financiers et opérationnels sont alléchants, l’évolution de la maintenance vers le prédictif ne se limite donc pas au déploiement de capteurs et à la mise en place d’outils générant des algorithmes de prévisions : elle touche tout le modèle d’activités de l’entreprise. Ainsi, la réussite d’un projet de transformation de la maintenance nécessite de prendre en considération de nombreux volets tant sur l’organisation, les processus, les outils que les ressources humaines :

 

  • Quels sont les impacts sur l’écosystème et les activités connexes à la maintenance depuis les achats et la logistique jusqu’à l’exploitation de l’outil industriel et la gestion des cycles de production ; en tenant compte des adhérences avec les fonctions transverses

Modèle d’activités dans l’industrie : la maintenance a un rôle central au côté de l’exploitation et des processus amont-aval

  • Quelle gouvernance mettre en place pour tenir compte des stratégies d’entreprise, luttes d’influence en interne… : est-ce à la DSI ou bien au Métier de la maintenance de diriger le projet ? Comment intégrer les autres projets autour de l’automatisation et la digitalisation des processus ou de la relation clients ? Quelle stratégie de politique industrielle adopter entre internalisation et externalisation ?
  • Quelle organisation pour intégrer les processus existants dans une démarche « seamless » : prévision budgétaire, programmes d’investissements et pilotage de la performance économique, gestion du planning et des adhérences entre opérations de maintenance, interventions et exploitation de l’outil industriel…
  • Comment répondre aux enjeux sur la gestion des talents et des nouvelles compétences (statisticiens, data scientists/engineers…) : équilibre entre recrutements et identification de talents en interne, prise en compte des changements induits par les nouvelles technologies avec par exemple moins de personnel encadrant à termes et plus d’autonomie des techniciens et opérateurs…

Selon la maturité de l’entreprise, le passage vers la maintenance prédictive doit donc se faire avec une approche adaptée et spécifique

Les chantiers sont donc nombreux et pour bien évaluer le chemin à parcourir, il est nécessaire de connaitre la situation existante :

  • Quel est le type de maintenance en place : curative, préventive, conditionnelle, prédictive, gérée en interne ou externalisée
  • Quelle est la répartition des actifs et les contraintes inhérentes aux activités de l’entreprise : diffus (flottes de véhicules, parc immobilier…), centralisés, en réseau…
  • Quelle est l’intensité de l’activité et des cycles/rotations, la criticité des arrêts fortuits en temps et en coût…
  • A quelle étape de la transformation en est l’entreprise (i.e. complétude de la démarche de production et d’analyse des données) : équipement des actifs pour produire les données, infrastructure de communication pour la collecte, intégration d’une solution d’analyse, automatisation du processus et intégration aux autres activités…
  • Quels sont les outils existant : systèmes de maintenance (GMAO), cartographie (SIG) ou d’exploitation des actifs (MES)…
  • Quel est le niveau de généralisation de la démarche : en réflexion, en expérimentation, en cours de déploiement, généralisé

Puis de déterminer une cible réaliste et les étapes de la transformation :

  • Evaluer les équipements (et leurs caractéristiques) pour lesquels les gains de la maintenance prédictive seraient les plus probants (analyse exploratoire) et l’intérêt de les équiper pour des mesures pérennes
  • Réaliser un pilote sur un site de production ou une catégorie d’équipement pour valider les hypothèses de départ, affiner le business plan et l’étude d’impacts du projet puis confirmer (ou ajuster) la stratégie de déploiement à partir du retour d’expérience
  • Généraliser la démarche en tirant partie des leçons du pilote pour déployer au mieux les nouveaux processus et outils spécifiques aux activités de maintenance
  • Améliorer en continu les modèles d’analyse, les actions d’accompagnement au changement et les adhérences avec les autres processus et activités de l’entreprise

Il serait présomptueux de lister les facteurs clés de succès de l’évolution vers la maintenance prédictive tant les chantiers sont nombreux, les défis à relever importants et les situations propres à chaque entreprise. Nous nous risquerons toutefois à citer quelques bonnes pratiques et retour d’expérience favorisant l’évolution des pratiques culturelles et l’intégration puis l’adoption des nouveaux outils et technologies :

  • Rester concentré sur les apports pour le cœur de métier et les activités opérationnelles ; sans se noyer dans les données. Une règle tirée d’autres projets autour de l’analyse des données est de concilier culture de l’innovation et du résultat : tester, mesurer et généraliser (ou abandonner)
  • Ne pas sous-estimer le travail de mise en qualité des données. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire, voire recommander au démarrage d’équiper tous les actifs de capteurs et/ou d’outils de mesure/collecte de données en temps réel
  • Privilégier des interfaces homme-machine conviviales pour favoriser l’appropriation par les employés et la remontée d’informations. Cela contribuera à changer la culture des opérationnels : d’une démarche classique de gestion passive des actifs (ex. : rapports du nombre des ordres de travail, des heures pointées, des coûts…) vers une démarche de prévision et d’amélioration continue (ex. : recherche des causes de pannes, des signaux faibles… pour alimenter une boucle de retour sur les décisions, les modèles…)
  • Etre ambitieux sur la cible pour tirer pleinement partie des gains escomptés compte tenu des investissements (matériels, humains…) nécessaires à réaliser. Par exemple, envisager des interactions multicanaux et multi acteurs permettant de gérer aussi bien des processus 100% automatisés (robots, M2M) que d’autres 100% humain, voire le plus souvent mixte. L’ambition sur la cible doit évidemment rester pragmatique en adoptant un planning réaliste

Loin de ce qu’on peut lire çà et là, il n’existe pas de recette type et triviale pour basculer vers la maintenance prédictive. La généralisation des objets connectés et autres plateformes de traitement est sans doute une opportunité mais cela ne constitue qu’une partie de la transformation à engager.