Comment peut-on stimuler significativement les ventes B2B d’un produit ou service donné, et ce sans mettre en danger la profitabilité des ventes, et si possible le plus rapidement possible ? Différentes options sont habituellement explorées : augmenter les parts de marché sur le portefeuille de clients existant, prospecter et conquérir de nouveaux clients sur les zones géographiques habituelles, étendre les opérations à de nouvelles zones géographiques ou de nouveaux canaux, s’adresser à de nouveaux segments de clients, etc.

La question soulevée ici porte moins sur la supériorité du produit en elle-même que sur la supériorité de la proposition de valeur, et la façon selon laquelle cette proposition est expliquée et communiquée. La conquête de parts de marché pourrait supposer que l’entreprise ait développé un avantage concurrentiel : une fonctionnalité unique du produit ou du service proposé, qui rendrait l’offre « supérieure » à celle de la concurrence. Pourtant, les produits ou services qui connaissent le succès ne sont pas toujours « supérieurs » aux offres de la concurrence en termes de prix, de caractéristiques techniques ou de qualité, mais ils ont fait l’objet d’une promotion efficace à travers de fortes propositions de valeur. Et un produit ou service « supérieur » ne garantit aucune part de marché additionnel s’il est mal promu par le marketing : il est parfaitement possible de vendre avec succès un produit ou service « moyen » à l’aide d’une brillante argumentation, mais il est tout aussi possible d’échouer à vendre un produit génial en raison d’une argumentation trop pauvre.

L’essence même d’une proposition de valeur forte est de mettre en évidence l’ensemble des bénéfices économiques d’un produit ou service pour les clients par rapport à ceux proposés par la concurrence. Le développement d’une proposition de valeur forte par rapport à la concurrence est un problème stratégique qui requiert de nombreuses données clients, venant non seulement des services achats mais aussi de l’ensemble des parties prenantes qui utilisent ou transforment le produit. L’objectif clé est d’identifier les caractéristiques d’un produit ou d’un service donnée qui crée le plus de valeur possible. Il y a quelques années, j’ai travaillé comme consultant pour l’un des leaders de l’industrie du silicium. Ce dernier fournissait du silicium à des groupes de l’industrie chimique (pour le caoutchouc etc.) et affrontait une concurrence féroce de producteurs chinois et brésiliens de silicium dont le niveau de prix était bien inférieur au sien. Plusieurs entretiens menés tôt dans la matinée avec des ingénieurs en procédés chimiques des clients de ce groupe m’ont permis de comprendre que ce silicium meilleur marché créait plus de déchets et donc augmentait le coût unitaire de fabrication. Bien plus, ces ingénieurs m’ont donné la formule liant la qualité du silicium à l’efficacité économique de leurs procédés. Pour finir, j’étais capable d’aider l’entreprise à améliorer sa proposition de valeur en mettant en avant les avantages de l’utilisation de son silicium par rapport à celui de la concurrence et en justifiant ses prix plus élevés. Le produit n’était pas nécessairement « supérieur », seulement différent : mais un nouvel argument de vente, fort et hautement différenciant, venait d’être découvert. Une approche similaire a été utilisée dans le passé dans le secteur des flottes automobiles : le coût total de propriété (TCO : Total Cost of Ownership) a pris une part de plus en plus grande dans les propositions de valeur des marques automobiles. Le point clé est de développer une connaissance approfondie des impacts économiques (coûts et bénéfices) de l’utilisation d’un produit ou d’un service dans la chaîne de valeur du client par rapport aux produits et services proposés par la concurrence : quels sont les éléments de différenciation qui ont une valeur aux yeux des clients ? Et une proposition de valeur n’est pas nécessairement monolithique : elle doit être adaptée à la segmentation clients, certains clients étant moins réceptifs à certains types d’arguments que d’autres.

Mais une bonne proposition de valeur n’est rien si elle n’est pas convenablement communiquée et expliquée aux clients. Certaines propositions de valeur sont si simples à comprendre qu’elles peuvent être facilement communiquées aux clients en passant par les médias standards sans le soutien d’un commercial (présentation du produit, valeur pour le client, questions- réponses, etc.) : c’est un sujet de marketing standard. Les difficultés apparaissent quand une proposition de valeur requiert des explications pour être pleinement comprise, quand des interactions avec les clients sont nécessaires pour répondre à une question spécifique, quand il est indispensable de comprendre quelle proposition de valeur correspondrait le mieux aux exigences des clients, en un mot : quand il s’avère évident que l’intervention d’un commercial est incontournable. C’est ce que nous pourrions appeler des propositions de valeur « complexes ». Dans ce cas, le premier facteur clé du succès est l’appropriation de la proposition de valeur par les commerciaux : ces derniers doivent acquérir une compréhension approfondie des coûts / bénéfices pour les clients que met en évidence la proposition de valeur comparativement aux offres de la concurrence. Une bonne pratique est d’impliquer l’équipe commerciale ou les leaders d’opinion dans le processus de développement de la proposition de valeur, en les faisant participer aux entretiens et aux ateliers avec leurs clients. Une autre bonne pratique est la mise en place de formations et si possible le lancement de programmes de certification : des commerciaux talentueux peuvent encore faire la différence, mais un programme de formation approprié demeure un prérequis.

La force de vente physique demeure-t-elle, à l’ère du digital, le seul moyen de vendre une proposition de valeur « complexe » ? Tous les points de contact digitaux tels que les sites web, les kiosques multimédias, les applications sur smartphone, les réseaux sociaux, etc., constituent des occasions de communiquer sur une proposition de valeur. Mais à l’heure actuelle, vendre une proposition de valeur complexe nécessite encore le recours à une intervention humaine. Les IA (intelligences artificielles) dédiées à la vente pourraient-elle apporter une nouvelle réponse à cet enjeu dans un futur proche ? Des entreprises fournissent déjà des agents conversationnels (chatbots) capables d’engager chaque contact commercial dans une conversation humaine, mais pour des interactions commerciales simples, pas pour des produits complexes. Je ne vois pas les IA de vente remplacer les commerciaux dans de pareils cas, mais je crois fortement que les IA vont aider à augmenter le taux de conversion des « visiteurs digitaux » en prospects que les commerciaux pourront recontacter. Mais nous avons bien vu le programme informatique AlphaGo de Google battre un professionnel du jeu de go…